Née en 1956 à Port-au-Prince, Haïti, Elsie Suréna s'est établie depuis 2010 à Montréal (Québec, Canada), où elle y continue les activités artistiques et littéraires auxquelles elle s'adonne depuis dix ans. Elle a participé à différentes expositions d'arts visuels avec ses photos en noir et blanc et a récemment publié Lanmou se flè sezon, son cinquième recueil de poèmes. Plusieurs de ses textes ont paru dans des revues, journaux et anthologies, certains traduits en anglais, espagnol, portugais et japonais.
Elle a remporté le prix Belleville Galaxie au 5e Concours International Marko Polo de Haïkus en 2009, ainsi qu’une mention honorable au palmarès du Concours international de haïkus du Maïnichi, à Osaka (Japon).
L’amour, le quotidien, l’absence sont des thèmes qu’elle aborde souvent sur un ton enjoué, sensuel, intimiste. La contacter directement.
Une fois de plus, Elsie Suréna nous emmène à travers ses nouvelles, haïbuns, récits et souvenirs dans le fin fond de la campagne haïtienne, mais pas seulement. Intimiste, elle sonde les coins et recoins de l’âme féménine dans plusieurs situations conflictives ou pas, voyages initiatiques survolant entre autres la curiosité maladive, la soif de vengeance, les vexations d'enfance, les premières explorations anatomiques de l’autre, le plaisir des lectures interdites, la fierté du terroir ou les blessures du cœur malinterprétées.
Lecteurs et lectrices, à vos marques !
Elle habitait à l’entrée de notre rue. Toujours installée sur sa véranda, rien ne lui échappait de la vie du quartier. Évidemment, elle s’arrogeait aussi le droit d’intervenir dès qu’elle estimait certaines limites franchies. C’est sûr, nous réfléchissions à deux fois avant de parler aux garçons, faits que la vieille fille aimait particulièrement rapporter à nos mères.
Sa maison dominait une petite butte, position parfaite pour un poste d’observation. Nous surveillions toutes sa silhouette penchée de côté sous l’effet des perpétuels « gaz » qui la tenaillaient car il fallait, en plus, la saluer au passage. Nous étions toujours à la recherche de stratagèmes pour éviter d’attirer son attention mais elle semblait deviner nos plans à tous les coups. C’était la terreur quand elle nous appelait par nos prénoms précédés de « manmzelle », en regardant par-dessus les lunettes à monture d’écaille qui lui glissaient sur le nez.
En visite au village bien des années après sa mort, je crus soudain sentir son regard peser sur moi et, sans réfléchir, je lâchai la main de mon chum.